vendredi 7 mai 2010

I wanna be a part of it...

L'autre jour, en allant à la Tanzfabrik, j'ai trouvé une friperie dans une entrée d'église. Elle ne se tient qu'une fois par mois pendant deux jours et il y a des portants sur le trottoir et à l'intérieur des portes largement ouvertes. On peut monter par les escaliers du côté pour aller essayer des fringues. C'était je pense la première fois que je me déshabillais dans une église...

L'autre jour, un peu plus tard, j'ai eu un début de plan assez intéressant. Ludger m'a présenté à une compagnie composée d'un duo de danseurs (Hyoung-Min, coréenne et Thomas, allemand francophone) accompagné par un musicien italien dont le prénom m'échappe. Ils risquent d'avoir besoin de menus coups de main, et le deal c'est que j'assiste à leurs répèt, à tout leur processus de recherche créative en échanges de petits services.

Première séance, je comprends rapidement l'ampleur des dégâts : ils travaillent sur de l'argile (vaguement comparable à de la boue, une tonne récupérée sur une sorte de chantier près de Berlin) dont ils ont recouvert une bâche - c'est pour l'instant leur terrain d'improvisation. Deux sessions de trois petits quarts d'heure, entrecoupées de discussions sur ce qu'il vient de se passer. La thématique des réfugiés, de l'exil, de la migration. L'attente, l'anxiété, la nature de l'homme qui continue de dormir, de pisser, de manger parfois, de chercher de l'eau. Ils me demandent de prendre des photos (tout est filmé, toujours), je m'éclate. Chacun évolue plutôt dans son coin. Musicien et danseurs en impro, se font des retours à la fin. Restent assez indépendants les uns des autres.

Deuxième séance. Juste les deux danseurs. Changement temporaire de studio, ils ne réinstallent pas l'argile, par flemme et pour ne pas rester prisonnier du matériel.
T : "Shall we talk ?"
H-M : "We don't talk, we try to read each other."
Une trâme avec différentes phases dont ils ont discuté au préalable et qu'ils essaient de différentes manières. Ca fait drôle d'être seule face à eux dans un studio quand ça devient violent, sexuel. De fait, beaucoup plus d'interaction entre les deux. Essayer des choses et voir ce qui fait sens au vu du "message" qu'il cherchent à transmettre. Je leur demande à la fin si je ne les ai pas trop dérangés : pas de soucis, c'est même pas mal d'avoir une autre présence dans le studio. Très bien.

Troisième séance en mode solo. Chacun prend des notes et donne son avis à la fin.
T : "I don't wanna judge..."
H-M : "I think we should start to judge."
L'après-midi se termine sur Thomas donnant des directives à Hyoung-Min, sous formes d'images. Et bien passer d'un chien joyeux à se faire violer sans changer de position, il faut trouver une transition adéquate... Gros travail sur les transitions justement. On a le droit de rire, et ce n'est pas la première fois que je m'en aperçois : quand la danse contemporaine part en couille, on a le droit de rire. Même si tout le monde n'éclate pas de rire, on a le droit de réagir et c'est très agréable : ça fait relâcher la pression d'un spectacle souvent bizarre où tout le monde se triture à chercher le sens. Une approche constructive de leur part à ce propos : passer de l'abstrait au concret en laissant une trâme claire, un fil directeur qui ne perde pas trop le spectateur.

Ils sont en résidence à la Tanzfabrik pendant deux mois, puis deux semaines aux Ufastudios et attaquent leurs premières dates mi-juillet. C'est donc vraiment chouette car si la relation se poursuit comme telle, j'aurai l'occasion d'un bon suivi de projet. C'est déjà intéressant au plan de la production artistique, pour voir de quoi ils sont partis, par quelles étapes ils sont passés pour porter un regard plutôt éclairé sur le résultat. Ils ont autour d'eux une équipe composée d'une "stage designer", d'une administratrice qui ne doit pas s'occuper que d'eux, d'un directeur qui serait le copain de H-M et d'un ingé lumières : des gens que je vais avoir l'occasion de rencontree, et maintenant une petite stagiaire qui voudrait bien leur rendre quelques services !

lundi 3 mai 2010

1er Mai berlinois

A vrai dire, les festivités commencent la veille. La Boxhagener Platz est cernée de flics, il y a des barrières posées à toutes les entrées avec fouille des sacs (principalement pour les bouteilles en verre) A l'intérieur se succèdent concerts punk et lectures de discours (à saveur anticapitaliste, antifa, selon), le bar du Zielona Gora est blindé. Une énorme concentration de crêtes multicolores, de looks vraiment travaillés, de dreads aussi parfois. La mode est au rose, me suis-je dit il y a peu en voyant pas mal de nénettes arborer cette couleur, mais le rouge et le vert sont aussi bien présents... Les pots de Vivel Dop extra-strong seront vides après-demain.

La police allemande : en vert (sonnant tout de suite très militaire) ou plus rarement bleu marine, représentation féminine très forte pour ce type d'évènement, présence énorme pour un concert en plein air. Une trentaine de fourgonettes pour un petit millier de personnes sur la place. Gentils je dirais : plutôt intransigeants mais capables d'amabilité.

Je pars avant d'avoir le dénouement de cette soirée, un autre programme m'attend. Passage dans une Proberaum, un bâtiment avant rempli de studios d'enregistrement et aujourd'hui sérieusement menacé de démolition. Un de ces bâtiments informes de la Revaler Strasse dans laquelle je ne suis pas prête d'arriver au bout de mes surprises. On entre par une porte qu'il fallait connaître, un monte un escalier tout dégueu pour arriver dans un couloir menant sur trois pièces : une d'où sort de la musique, une complètement vide, une autre où il faudrait tourner une scène malsaine - tapis rouge, une marche d'estrade au fond, lumière rose, drapés au plafond, la dernière servant de dortoire et de petites discussions. Je ne reste pas longtemps mais apparemment la suite promettait, avec notamment démolition de murs en boites de coquilles d'oeufs, batailles à coups de carton... Je vais récupérer mon vélo, direction Kreuzberg pour boire une bière avec Jeanne et des potes à elle. Et puis Berghain. Une des trois plus grosses boîtes de la capitale. De l'électro très réputée et, chose assez inhabituelle, commençons la description par la queue. Une bonne heure et demie le samedi, et l'incertitude permanente quant à se faire jeter. Légende urbaine : toutes les semaines, le videur du Berghain se retrouve avec quelques potes ? autres videurs ? gens très hypes ? et ils décident ensemble de quel profil pourra ou non rentrer pendant la semaine. Ils virent des groupes de nanas bien sapées et font rentrer trois gars qui ne paient pas de mine. C'est vraiment à s'y perdre.

Petite demie-heure de queue seulement pour nous, il jète un coup d'oeil au leggings argentés de Jeanne et au look Lady Gaga de sa pote, et nous laisse entrer. Seul le Panorama Bar est ouvert le vendredi, donc une grande salle avec un côté dance floor, un énorme bar au milieu et un côté canapés. En vous perdant pour aller aux toilettes, vous tomberez peut-être également sur une de ces petites niches où des couples (+ si affinités) viennent consommer une fiévreuse passion engagée sur la piste de danse. On note au passage que les photos sont interdites ici.

Musicalement, je reste choquée par les basses qui tremblent et font sauter le coeur dans sa cage. De vraies montées qui rappellent que c'est une musique qui colle à la drogue. Des explosions de sons qui auraient dû depuis longtemps faire s'écrouler les murs. Une musique qui indéniablement fout la patate et laisse le temps filer, filer jusqu'à ce que filtre par les volets une lumière qui n'est déjà plus celle de l'aube. Bientôt 6h. On profite encore un peu. Retour au grand jour, croiser des gens café à la main. Ca me met toujours le sourire.

Voilà donc comment aura commencé mon 1er Mai. Une nuit très courte pour ne pas perdre trop de temps. Myfest débute vers 14h, ce qui signifie des concerts partout dans Kreuzberg. Et c'est reparti ! Petite parenthèse : Kreuzberg et Friedrichschain sont séparés par deux ponts (un de métro et un de .. Spree ?) par lesquels je passe à chaque fois que je vais dans ce coin là, c'est-à-dire la plupart des fois que je sors de Friedrichschain. C'est toujours des endroits où se forment des groups de cyclistes : le peloton de la Warschauerstrasse. Ceux qui anticipent les verts, ceux qui pennent au démarrage, ceux qui cherchent à crâmer les autres pour prendre de l'élan pour la côté (c'est ici que vous pouvez me reconnaître), ceux qui ont des vitesses sur leur vélo, ceux qui ont des charettes et qu'on admire, celle qui prend un malin plaisir à doubler sur le deuxième. On est souvent une quinzaine, à regarder le spectacle de jongleurs de feux rouges, en attendant d'appuyer sur les pédales.

Il y a une petite ambiance fête de la musique au nord de la U1. Beaucoup de monde, des groupes qui se relayent sur différentes scènes, encore de l'électro mais aussi du punk, du reagge, même des jazzeux paraît-il ! Je passe un bon moment à me ballader, regrettant de ne plus avoir de batterie dans mon appareil photo. Bonne ambiance, vraiment, des gens qui n'ont pas encore atterri de la veille et qui continuent de danser. Un groupe de rock leadé par une asiat en veste en plastique vert.

Je retrouve les ptits lous de la Gärtnerstrasse près du départ de la manif. 19h, le cortège démarre au son de grosses musiques révolutionnaires (de près ou de plus loin) sur des camions. Motivés motivés... Grosse pensée pour Anouk. J'entends à un moment que nous sommes 20 000. La suite plus tard.